La sincérité, l’authenticité et le plaisir dans une relation tarifée
Encore une question que je reçois beaucoup et que je trouve très juste : qu’en est-il de l’authenticité et du plaisir, lorsqu’on paie un service ?
Il me semble évident que lorsqu’on est soumis.e, on souhaites que la.e Dom à qui ont fait appel, prennes au moins autant de plaisir que nous aux moments partagés.
Dans le cadre d’un rapport tarifé, le plaisir n’est-il pas joué et l’authenticité forcée ?
Voici ce que je réponds, quand on me pose ce genre de questions…
Disclaimer : y a des con.nes partout
Avant de passer à la suite, il faut évidemment que j’aborde ce sujet… car il y a des con.nes partout ! Dans cet article, je vais parler des personnes qui choisissent leur métier dans le but de t’accompagner et certainement pas de te nuire…
Malheureusement, il arrive que certain.es “Dom” ne souhaitent que profiter de ton état vulnérable lorsque tu es dans la subspace pour outrepasser tes limites, te mettre en danger, te blesser, te détruire moralement, te violer, te manipuler, te faire du chantage ou drainer ton compte en banque… sans ton consentement.
Ces personnes sont toxiques pour toi. Même si ce sont des pratiques que tu apprécies, il est important que tu t’en détaches le plus vite possible et/ou trouve de l’aide pour te libérer de leur emprise et te reconstruire.
Le BDSM, lorsqu’il est partagé avec des personnes renseignées, formées et soucieuses de la sécurité et de l’épanouissement de leur.s partenaire.s, peut être très sain et mener à des choses très intenses et belles !
Je sais que beaucoup de personnes pensent que ce profil spécifique de “Dom” qui pratique de façon toxique, en alimentant leur emprise dans le but de profiter au maximum (souvent financièrement) des personnes qui les contactent, définit tout ce qu’est le BDSM exercé de façon professionnelle… mais c’est bien loin d’être la réalité.
Manipuler sans avoir obtenu le consentement éclairé de la “victime” N’EST PAS DU BDSM ! Ça va même à l’encontre des principes et des philosophies qui lesquelles se basent le BDSM !
Je ne pratiques pas de cette façon et de cautionne pas ça. Et je sais que l’écrasante majorité de mes collègues non plus !
Ceci étant dit… rentrons dans le vif du véritable sujet…
Est-ce que si iel prenait sincèrement du plaisir à dominer, un.e Dom ferait payer ses services ?
Pour expliquer ce point, je propose, en général, une comparaison avec une relation thérapeutique, qu’on pourrait avoir avec sa.on psychologue, par exemple.
Lorsqu’on fait appel à un.e thérapeute, il me semble qu’on ne se pose pas autant la question… On sait que la.e thérapeute est là pour nous aider, qu’iel à fait des études dans ce but spécifique et il paraît alors tout naturel que le fait de faire appel à son expertise soit facturé !
Est-ce que la.e thérapeute en question nous aurait laissé lui raconter nos tracas et nous aurait pris en charge sans ce rapport monnayé ? Probablement pas… mais ça ne veut pas dire pour autant que cette personne ne souhaite pas, profondément, nous accompagner et nous venir en aide !
Dans ce cadre, on comprends assez facilement que la.e thérapeute ne pourrait tout simplement pas passer son temps à s’occuper de tout le monde sans rétribution, parce que ça prend énormément de temps et d’énergie, de se former, d’écouter et de conseiller…. Et bien il en va de même pour un.e Dom !
Chacun.e est libre de poser les conditions qui lui paraissent les plus juste pour compenser l’énergie et le temps accordé !
Il existe, bien évidemment, des Dominateur.ices non professionnel.les, qui ne facturent pas les séances en leur compagnie… et c’est tout autant légitime. En fait : chacun.e fait ce qu’iel veut, est libre de poser ses propres conditions et, parfois, ces dernières comprennent une rétribution financière !
Ça me semble plutôt sain de poser des conditions qui nous rendent parfaitement enthousiaste à faire ce qu’on fait… pas toi ?
Pour certain.es ça prend la forme d’avoir quelqu’un à ses pieds régulièrement, d’autre attendent que la.e soumis.e fasse le ménage gratuitement à son domicile X fois par semaine… et d’autre, comme moi, demandent un certain montant d’argent.
Avoue-le : remettre ça en question, on le fait bien plus volontiers à propos de l’activité des travailleur.euses du sexe et des Dom que des thérapeutes ou d’autres corps de métiers… pourquoi ?
Le prix est en général bien plus élevé qu’une consultation chez la.e psy, à un point qui peut sembler excessif… on peut donc légitimement se demander, quand on ne comprends pas ce qui justifie ces montants exorbitants, si les personnes qui choisissent cette voie ne le font pas que pour l’argent…
Il y a encore de gros tabous autour de l’érotisme, de la sensualité et encore plus autour des métiers du sexe. Beaucoup ne le considère pas comme un vrai métier, car iels ne voient pas tout ce que ça englobe et représente. Après-tout, il n’y a pas de grandes écoles de travail du sexe ou de domination… et puis, à première vue, ça peut avoir l’air plutôt simple…
Et, questionnement que je trouve important… quand on fait un minimum attention au consentement des personnes avec lesquelles on partage des pratiques érotiques et/ou sexuelle, on peut se demander si on est pas en train, tout simplement, de forcer quelqu’un à faire ça, en achetant leur consentement…
Voyons ça, point par point :
Pourquoi les tarifs des TDS ou des Dominateur.ices professionnel.les sont ils aussi élevés ?
J’ai déjà abordé ce sujet dans un autre article, que j’ai appelé “L’envers du décor : pourquoi les TDS ne sont pas ‘vénales’”, pour aborder tout ce que ça coûte (financièrement, mais aussi en terme de risques, de temps et d’énergie dépensée), d’être travailleur.euse du sexe / Dominateur.ice pro.
Rien que financièrement, entre la réservation de l’hôtel, l’achat du matériel (j’ai re-calculé, j’ai plus de 2500€ de matériel à disposition), les cotisations à l’URSSAF (22% du chiffre d’affaire brut, sur lequel je n’ai le droit de déduire aucune charge, qui vont passer à 26% d’ici quelques années), les gens qui réservent des créneaux et posent des lapins (donc non seulement empêchent de prendre d’autres rendez-vous, mais aussi ne paient pas ou pas en totalité la somme demandée), l’aspect aléatoire et le facteur chance intrinsèque à nos revenus (en général, l’hiver c’est la galère) et la quantité astronomique de travail gratuit (répondre aux messages, faire la conversation à des gens qui souvent arrêteront de donner des nouvelles sans n’avoir rien payé, faire des photos, produire des contenus pour boutiques en ligne, réseaux sociaux ou blogs, se former… parce que oui, on se forme !)… combinée au fait que non, les TDS/Dom ne bossent pas tous les jours et sont loin d’enchaîner des rendez-vous à 300/400€ chaque jour que Dieu fait… et bien en réalité, on ne gagne pas tant !
Les revenus des TDS sont très variables en fonctions de la personne et des conditions qu’elle pause, de sa position géographique, de son physique, de son âge et de la période, mais à titre indicatif, en 2023, j’ai gagné moins de 20 000€ brut sur l’année, avec des mois à 300/500€ et d’autres (pas beaucoup) à 3000€ (brut hein, donc il faut retirer 22% à chaque fois !).
Et ça c’est pour un temps plein à largement plus que 35h/semaine… et sans avoir le droit à des congés maladie, maternité ou même cotiser de façon convenable pour la retraite…
Donc, voilà, ça c’est dit : les réalités du métier sont bien loin des fantasmes et il ne fait pas oublier toute la (gigantesque) partie de travail invisible… dont la rédaction de cet article fait d’ailleurs partie !
Continuons…
L’argent achète t’il le consentement ?
Est-ce que je partagerais tout ce que je partage avec mes client.es si cell.eux-ci ne me rémunéraient pas ? Non, c’est vrai.
Mais est-ce que toi, qui me lis, tu ferais ton métier, dans les mêmes conditions, si tu n’étais pas payé.e pour ? Probablement pas.
Le point important, ici, c’est que l’argent ne détermine pas tout (en tout cas pas le plaisir qu’on a, ou non, à faire quelque chose), mais joue, en revanche, très fort et pour n’importe qui, peu importe le corps de métier et même si on aime celui-ci, dans l’énergie et l’enthousiasme qu’on est capable de mettre dans des tâches précises, au quotidien.
Si je n’étais pas payée pour, j’aimerais toujours dominer et le BDSM resterais un sujet qui me passionne… mais je ne le vivrais que de façon décousue et irrégulière, avec des amoureux.ses partageant cet intérêt et non avec des inconnus rencontrés sur internet.
Parce que même si j’adore ça… le BDSM, rencontrer de nouvelles personnes, tisser des liens, restée concentrée parfois plusieurs heures à 100% sur quelqu’un pour maîtriser parfaitement l’ambiance d’une scène… c’est épuisant, vraiment ! Et, personnellement, je ne fais pas les choses épuisantes sans contrepartie…
Tout le monde n’aime pas son métier… et c’est ok aussi !
Le fait d’être payé.e encourage aussi, c’est vrai (comme pour beaucoup de métiers), à faire des choses qu’on apprécies pas spécialement de faire… simplement pour payer les factures !
Peu de gens adorent récurer des chiottes, rester assis.es des heures en scannant en boucle les articles de gens plus ou moins bien lunés ou rester des heures en plein soleil pour construire ou réparer des trucs… et pourtant il s’agit de métiers que beaucoup de personnes consentent à faire, parce que ça leur permets d’avoir un logement, de se nourrir à peu près comme il faut et de ne pas avoir trop froid en hiver.
Je ne pense pas que ce soit un mal, de ne faire son métier que pour l’argent (travail du sexe compris). Du moins je ne pense pas qu’il faille faire peser cette responsabilité là sur les personnes qui font leur métier à contre-coeur pour survivre, au sein de notre société capitaliste.
Je comprends, surtout dans le cas d’un rapport érotique ou sexuel tarifé, ce besoin de s’assurer que la personne est bien là, avec nous, parce qu’elle en a envie et qu’elle a un minimum d’enthousiaste à partager ce moment…
C’est sain et important de faire attention à ça et, de se poser ces questions aussi lorsque le rapport est tarifé… mais je ne pense pas qu’il soit juste (je pense même que c’est, quelque part, égoïste), de s’attendre à ce que les TDS auxquels.les on fait appel soient toujours super enthousiastes et ravies de se faire prendre par, d’enculer ou de frapper des inconnu.es pour de l’argent…
Chacun.e fait ce qu’il peut pour survivre et s’assurer un minimum de confort. Beaucoup de personnes n’ont pas accès à des métiers “classiques”, à cause de problèmes de santé, de handicaps invisibles, de leur identité de genre, de la couleur de leur peau, de leurs origines et j’en passe.
Pour décrocher un post dans un travail classique, il faut déjà avoir accès à une formation… donc pourvoir la payer ou la faire financer et même avoir la capacité de la suivre. Ce n’est pas évident pour tout le monde.
Et pour beaucoup, le TDS est aussi un moyen de travailler dans des conditions plus décentes (poser ses propres conditions, choisir ses horaires, être respecté.e et soutenu.e par ses collègues, etc.) qu’en décrochant un post “classique” en entreprise.
Pour certain.es c’est temporaire, le temps de trouver autre chose ou d’avoir assez d’argent pour pouvoir assumer un loyer et/ou financer une formation. D’autres prévoient de faire ça plus longtemps, pour nourrir leur famille ou simplement parce qu’iels trouvent plus leur compte dans le TDS quand dans un travail “classique”.
Occulter les TDS qui font leur travail par nécessité, refuser de faire appel à ell.eux, sois disant pour ne pas les “encourager” ou “participer à ça”, ne fait, en réalité, que creuser le fossé et la détresse… et ça ne réglera le problème ni à court ni à long terme car, je le rappelle : le problème ce n’est pas elle.ux, mais le système.
Et parce que je suis certaine que tu es une chouette personne…
Et parce que je suis certaine que tu es une chouette personne, voici quelques petits trucs que tu peux faire quand tu n’es pas certain.e que la.e TDS avec la.equel.le tu es, est enthousiaste / complètement libre d’être là / en sécurité :
Lorsque tu fais appel à un.e TDS, tu peux faire la différence en prenant le temps de discuter (toujours dans le cadre du service tarifé… ne prends pas leur temps pour rien !), de les mettre à l’aise et de les encourager à communiquer comment iels se sentent vraiment et ce qui leur ferait plaisir.
Même si un rapport a lieu dans ce contexte, c’est chouette de prendre et laisser le temps à un lien de se créer et de veiller à ce que le plaisir soit partagé ! Tu peux aussi lui proposer de lui faire un massage / de vous masser mutuellement, pour détendre l’atmosphère :)
C’est aussi particulièrement important, en tant que client.e, d’être attentif.ve aux questions de réseau de prostitution / traite humaine, parce que tu fais partie des rares personnes, en dehors de ces réseaux à être en contact direct (et en général, privilégié) avec les victimes… et donc apte à leur venir en aide !
Pratiquer le TDS est légal en France. Le proxénétisme, en revanche, ne l’est pas… mais reste courant, en particulier auprès des personnes immigrées. Les proxénètes peuvent parfois être très chouettes et protéger sans prendre d’argent à leurs “filles” ou “garçons”, mais il est plus courant que celle.ux-ci soient violent.es et forcent des personnes “vulnérables” (jeunes, sans papiers, ne parlant pas bien la langue du pays, etc.) à se prostituer… tout en leur volant partie ou totalité de leurs gains.
Si tu as un doute, tu peux, discrètement, essayer de demander à la.e TDS en question si iel est indépendant.e ou à un.e mac/proxénète, prendre le temps de lui demander dans quelles conditions iel travaille, si iel se sent en sécurité, si iel à besoin d’aide, lui laisser, si iel en a besoin, des contacts importants pour obtenir de l’aide ou juste discuter (le STRASS, la fédération parapluie rouge, Paloma, Les Pétrolettes, etc.), voir lui proposer de lui laisser accès à ton portable pour appeler à l’aide si iel en a besoin !
Attention cependant : être client de TDS n’est malheureusement pas légal non plus, en France… c’est bon à savoir avant de lancer l’alerte ou d’appeler les forces de l’ordre. Aider à protéger une victime de traite ou de proxénétisme jouera certainement en ta faveur, mais garde-le à l’esprit quand même. Le mieux est d’orienter la personne vers et/ou d’appeler une association dédiée, pour leur expliquer la situation !
Il te reste des questions ? N’hésites pas à me contacter ou à écrire un petit commentaire sous cet article pour me les poser ! :)